Toussaint 1993

"Déluge" sur la Corse


Les quantités de pluie mesurées lors de cet événement sont les plus fortes enregistrées en Corse. Les conséquences ont été désastreuses sur l’Île de Beauté.

1993_10_31

Gros titre de Corse Matin (Cliquez pour voir d’autres coupures de presse)

Nombreuses victimes, terres agricoles et beaucoup d’équipements dévastés : aéroports, lignes ferroviaires, ponts, téléphone, réseau EDF, alimentation en eau … : les conséquences de cet épisode sont lourdes.


Voir un clip vidéo de l’événement sur le site de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel)

Les totaux pluviométriques observés lors de cet épisode (plus de 900 mm en 36 heures) confèrent un caractère exceptionnel au phénomène, en particulier en ce qui concerne son intensité et sa durée. En outre, les dégâts observés et l’ampleur géographique de la catastrophe témoignent de l’incroyable magnitude de cet événement pluvieux.


Ces valeurs en 24 heures figurent parmi les plus fortes enregistrées sur les régions méditerranéennes de la France.


Les histogrammes des pluviographes disponibles témoignent de la persistance de violentes intensités pendant plusieurs heures. Les intensités horaires,graphique ci-dessous ont atteint au maximum 69 mm à Bavella (Source : École Normale Supérieure de Paris).

Intensités remarquables  :
- Marghèse 42,6 mm de 16 à 17 h UTC le 31 et 44,9 mm de 07 à 08 h UTC le 01 ;
- Veta EDF : 42,4 mm de 20 à 21 h UTC le 31 ;
- Col de Mela : 25,0 mm de 11 à 12 h UTC le 31 ;
- Col de Bavella (ENS Paris) : 60,8 mm de 12 à 13 h UTC le 31 et 69,1 mm de 13 à 14 h UTC le 31.

A l’est des massifs, depuis l’Osu et la Solenzara dans l’Alta Rocca jusqu’au Golo et l’Aliso dans le Nebbiu, toutes les rivières, telles des " oueds ", ont largement débordé.

Sur l’ouest : le Fiumiccicoli et le Rizzanèse, prenant leur source dans le massif de Bavella, ont aussi connu une crue dévastatrice, la plus forte depuis un siècle.

Le pont Spin’a Cavallu, sur le Rizzanèse, l’un des plus
anciens ponts génois de l’île, remonte au XIIIe siècle.
Il surplombe la rivière de près de 8 m.
Le pont pendant la crue (photos Corse-matin).
Le pont après la crue de 1993, l’eau a débordé sur
une largeur d’environ 150 m de part et d’autre du pont
et endommagé le parapet. (photo Météo-France).
La crue du 9 novembre 1892 avait provoqué
des dégâts similaires comme en témoigne
cette carte postale de 1902.

La persistance de pluies diluviennes pendant 24 h a été remarquable conduisant à des cumuls faramineux : quasiment la normale annuelle en 2 jours !


La zone ayant reçu plus de 300 mm (soit 3000 m3/ha) en 48 heures est de taille impressionnante comme les valeurs de Torra Vescovato (701 mm - Source : Service de l’Eau et des Milieux Aquatiques) et du col de Bavella (906 mm, dont 780 mm pour la seule journée du 31 - Source : École Normale Supérieure de Paris).

A l’opposé sur l’ouest de la Corse, montagnes de Haute-Corse comprises, il a très peu plu. Des valeurs supérieures à 400 mm en 24 h n’avaient pas été mesurées sur l’île depuis l’épisode récent de septembre 1993 ou décembre 1953.

- Voir l’événement décrit dans un article de la revue LA METEOROLOGIE n°6 de juin 1994

- Voir un article de la revue Stantari (n°3 et 4) paru en novembre 2005 et février 2006


- Episode de la Toussaint 1993 sur la Corse vu par le satellite

En imagerie satellite dans le canal infrarouge, les zones les plus claires indiquent les sommets nuageux les plus froids, donc les plus élevés (amas de cumulonimbus). Les précipitations les plus fortes se produisent à l’extrémité sud de ces systèmes en forme de "V".

Sur les régions méridionales, les précipitations intenses sont le plus souvent générées par ces systèmes convectifs de méso-échelle. Leur création et leur type d’organisation dépendent des caractéristiques de la circulation atmosphérique du moment (notamment de la dynamique d’altitude aux alentours de la tropopause – ici, flux de sud-ouest perturbé - et du comportement de l’atmosphère en très basses couches : forts vents d’est chargés d’air chaud et humide, convergence des vents favorisant les mouvements verticaux et donc la condensation, présence de relief favorisant ces ascendances…).

La durée de vie de tels phénomènes est de l’ordre de plusieurs heures. La plupart du temps, ces systèmes orageux se déplacent. Toutefois, dans certains cas, l’ensemble du processus - formation et trajet des cellules orageuses, mort des anciennes cellules, naissance des nouvelles - devient quasi stationnaire, cas le plus défavorable car une même zone subira des pluies intenses et durables engendrant des cumuls extrêmes.

Sur l’est de la Corse, de telles conditions ont perduré 2 jours, les périodes les plus intenses se succédant à 24 h d’intervalle : le 31 octobre de 15 à 22 UTC et le 1er novembre de 15 à 18 puis de 20 à 23 UTC.

Entre 13 et 15 H UTC le 31 octobre, se développe un système convectif régénératif quasi stationnaire entre La Chiappa et Aléria. D’autres systèmes nuageux, apparemment moins actifs sont également visibles sur le nord de l’île.D’ores et déjà, les précipitations du 31, s’ajoutant à celles des 29 et 30, vont occasionner les premiers dégâts dès 12 H dans le sud de l’île. Dans l’après-midi, les dommages vont devenir plus importants : ponts du Travu et de la Solenzara détruits, nombreuses routes inondées.L’étendue des zones sinistrées ne fera qu’augmenter au cours des 24 heures suivantes.

Ci-contre l’image satellite infrarouge du 31 octobre 1993 à 15 h UTC.
En imagerie satellite, la période de 18 à 21 H UTC correspond à la signature la plus nette du système convectif précité sur la Corse orientale. Les intensités de précipitations deviennent extrêmes par endroits : la cellule convective, qui s’est formée sur la région de Solenzara pour gagner la région bastiaise, va remonter les vallées orientées en versant est et franchir, en Corse du sud l’Incudine, ce qui a pour effet d’apporter des quantités d’eau extrêmement importantes sur les hauts bassins de la Solenzara, du Cavu, de l’Osu, du Rizzanèse et du Fiumiccioli. De 21 à 24 H UTC, bien que les fortes précipitations se produisent encore sur la Corse orientale, le système convectif principal est désormais en voie d’atténuation.

Ci-contre l’image satellite infrarouge du 31 octobre 1993 à 22 h UTC.
Le 1er novembre, malgré la disparition progressive du système convectif régénératif, la situation pluvio-orageuse persiste ; des cellules orageuses, remontant la mer Tyrrhénienne, viennent toucher la côte orientale, le relief et même le nord de l’île avec des intensités encore localement importantes. Le vent d’est à sud-est souffle encore, avec une force comparable à celle de la veille. Progressivement, l’activité pluvio-orageuse ne touche plus que la Haute-Corse. Les vents s’atténuent sauf sur le Cap Corse. De 15 à 18 H UTC, un nouveau système convectif régénératif quasi-stationnaire est en formation sur la côte orientale de la Corse à hauteur de Bastia. L’aéroport de Bastia-Poretta est isolé dans l’après-midi et le restera la nuit suivante.

Ci-contre l’image satellite infrarouge du 1er novembre 1993 à 20 h UTC.
Vers 20 H UTC, un deuxième système convectif régénératif se forme, toujours sur la côte orientale mais plus au sud, aux environs de Solenzara. De 20 à 22 H UTC, les deux systèmes vont coexister. De 21 à 24 H UTC, le premier amas convectif meurt alors que le deuxième remonte progressivement vers le nord en suivant la côte. Le mardi 2 novembre, de 00 à 03 H UTC, le système convectif, maintenant à hauteur de Bastia, s’atténue également progressivement. Vers 03 H UTC, le vent s’oriente au nord-ouest à Bastia, marquant la fin des fortes précipitations.

Ci-contre l’image satellite infrarouge du 1er novembre 1993 à 23 h UTC.

- Animation des images satellites ci-dessous de 12 h UTC le 31/10 à 23 h UTC le 01/11. Elle permet en l’absence de couverture radar de la zone, de repérer les systèmes pluvieux actifs.


Carte des cumuls sur 2 jours sur la Corse les 31 octobre et 1er novembre 1993