Épisodes méditerranéens

Le terme "cévenol" est souvent employé abusivement pour caractériser tout épisode apportant des pluies diluviennes sur les régions méridionales.

S’il est vrai que le massif des Cévennes est réputé pour l’intensité des épisodes qui l’affectent (d’où le qualificatif), des situations fortement pluvieuses frappent tout l’arc méditerranéen et sont loin d’être exclusivement "cévenoles".


image

Repérage des départements de la zone "méditerranéenne" de la France

Départements de la zone cévenole :
(du nord au sud : l’Ardèche 07, la Lozère 48, le Gard 30
et l’Hérault 34)

La carte ci-dessus présente le nombre de cas où ont été mesurés plus de 200 mm d’eau en 24 heures, à l’échelle d’un département.
Bien sûr, on constate une nette prépondérance des zones de relief cévenol.
En revanche, on observe que de fortes précipitations sur de courts laps de temps peuvent se produire en dehors et même bien loin de cette zone.


Tout d’abord, examinons le mécanisme fondamental de formation des précipitations.

Le principe est toujours le même :

Là où des vitesses verticales ascendantes sont générées dans l’atmosphère, l’air soulevé se refroidit en prenant de l’altitude.

Si le refroidissement est suffisant, la condensation d’une partie de la vapeur d’eau disponible se produit.

Si la condensation est importante, les gouttes deviennent suffisamment grosses pour précipiter.



Il existe 3 causes principales de soulèvement vertical :

- la première est associée à la formation des perturbations de grande échelle : il se produit une mise en phase entre deux vastes tourbillons, l’un proche du sol, l’autre situé en haute altitude.

Sous certaines conditions, ces deux tourbillons peuvent en quelque sorte entrer en résonance, s’amplifiant mutuellement l’un l’autre et générant des mouvements verticaux ascendants de grande ampleur bien structurés.

- la deuxième est générée par ce que l’on appelle l’instabilité d’une masse d’air. L’impulsion initiale peut être donnée par le chauffage des sols par le rayonnement solaire ou par une convergence des vents près du sol, etc. Dans tous les cas, l’air ne peut que s’échapper vers le haut.

Les régions méridionales sont particulièrement concernées car la Méditerranée est une mer fermée, qui, tout au long de l’été accumule de l’énergie solaire. À partir de l’automne, elle la restitue aux masses d’air proches de la surface qui remontent des Baléares les rendant humides et potentiellement instables.

- la troisième cause est liée à la géographie : c’est le soulèvement orographique. Les vents dominants de basses couches viennent buter contre une "barrière". Si le contournement ne peut se faire aisément, tout ou partie du flux s’échappe vers le haut.

Encore une fois, les régions méridionales sont particulièrement concernées car, que ce soit à Nîmes ou Montpellier, mais aussi à Perpignan, Nice ou Ajaccio, il suffit de s’éloigner de quelques dizaines de kilomètres pour trouver des reliefs dépassant les 1500 m.

Bien évidemment, ces différentes causes peuvent se combiner suivant les types de situations.

Les situations météorologiques génératrices
de fortes pluies sur les régions méditerranéennes
peuvent être schématiquement classées
en deux types bien distincts :



- Le forçage orographique par le relief est typique.

Ce phénomène est observé régulièrement sur les Cévennes.

Le relief des Cévennes a une assez forte pente de la mer vers l’intérieur. Lorsqu’un vent marin (soufflant des directions sud à sud-est), s’établit de la Méditerranée vers les Cévennes, il amène une masse d’air chaude et humide, qui, soulevée par le relief, se refroidit en prenant de l’altitude comme expliqué plus haut.
Ce refroidissement est rapide. Il entraîne la condensation d’une part importante de la vapeur d’eau disponible, donnant des pluies persistantes sur les versants exposés du relief cévenol. Lorsqu’elles durent plusieurs jours consécutifs, les hauteurs d’eau recueillies deviennent considérables en valeur cumulée, même si l’intensité des pluies reste modérée durant l’épisode.
Avec des pluies persistantes, on observe une montée progressive des cours d’eau jusqu’à leur saturation, éventuellement jusqu’à leur débordement.

Si, en outre, le vent marin est fort, il provoque une élévation du niveau de la mer accompagnée de houle, qui gênent l’écoulement des fleuves à leur embouchure et favorisent l’extension et la durée des inondations : c’est "l’emplain". Ce fut notamment le cas en décembre 1997.

L’exemple cévenol illustre parfaitement l’influence du relief sur les régimes de précipitations mais les Cévennes ne sont pas le seul relief proche de la mer : des précipitations avec forçage orographique concernent tout aussi bien les Pyrénées, les Alpes ou la Corse.


- Le second type de situation météorologique générant des pluies extrêmes, et qui est en fait le type le plus répandu, est très différent.

Le relief n’est plus la cause essentielle des forts cumuls. Le moteur principal du système est purement météorologique (bien sûr le relief peut intervenir en plus comme élément aggravant).

image Dans ce cas, les précipitations sont dues au passage d’une perturbation de grande échelle à l’avant de laquelle l’air chaud est instable. Cela est très souvent le cas dans le sud-est de la France à cause de l’apport d’humidité et de chaleur de la Méditerranée. Les ascendances de grande échelle vont être amplifiées par ce caractère instable de l’air chaud antérieur.

Les conditions deviennent alors favorables à la formation de systèmes orageux, ne couvrant pas forcément des zones très étendues, mais générant de très fortes intensités de précipitations (à l’automne, elles peuvent parfois dépasser les 100 mm/h).

De tels phénomènes se produisent, certes, sur les Cévennes mais peuvent toucher n’importe quel lieu géographique même très éloigné, aussi bien en mer qu’en plaine. Ce fut le cas à Vaison-la-Romaine le 22 septembre 1992, Auribeau-sur-Siagne le 26 juin 1994, Marseille le 19 septembre 2000 ou plus récemment à Draguignan le 15 juin 2010.

Il n’y a pas de localisation géographique exclusive, et surtout pas cévenole !

Dans la réalité météorologique quotidienne, ces deux types de scenarii sont des schémas théoriques, réalistes, mais très simplifiés !

Le plus souvent, il y a combinaison des deux. On peut avoir, par exemple, des cumuls importants sur une période assez longue (scénario du 1er type), puis une aggravation soudaine par effet de la circulation des masses d’air (scénario du 2nd type), avant le retour à une situation de pluies plus persistantes (retour au scénario du 1er type).

En conclusion, les Cévennes sont loin d’avoir l’originalité d’une météorologie spécifique en ce qui concerne les forts cumuls de précipitations.

Nous pourrions tout aussi bien parler (mais ce n’est pas l’usage) d’épisode "pyrénéen", "alpin" "corse" ou "provençal" suivant les cas... Le terme "d’épisode cévenol" est donc à éviter...il est préférable d’utiliser le terme "d’épisode méditerranéen".

À lire sur ce sujet l’article de la revue La Météorologie :
Projet Cyprim, partie 1
- Cyclogénèse et précipitations intenses en région méditerranéenne :
origines et caractéristiques, N°66, août 2009
.