29 septembre 1900

Inondation de Valleraugue


Fin septembre 1900, une pluie fantastique, approchant les 1000 mm en un jour, se déverse à Valleraugue (Gard), au pied du Mont-Aigoual, dans les Cévennes. L’Hérault et le Tarn connaîssent une crue historique. En basse-vallée du Rhône le fleuve déborde et en Ardèche, la vallée de l’Eyrieux est ravagée.

1900_09_29

Valleraugue est un petit village cévenol, situé au pied du Mont Aigoual, dans le Gard, à proximité de la source de l’Hérault.

Le 29 septembre 1900 un terrible orage y déverse 950 mm en environ 10 heures. Cette valeur de pluies recueillie en un jour figure parmi les plus fortes enregistrées en France métropolitaine depuis plus d’un siècle.

Cette observation a été réalisée par l’observateur de l’école communale, l’instituteur M. Michel.
" L’Hérault se transforme en torrent tumultueux, créant une lame d’eau qui atteignit le deuxième étage des maisons riveraines, dévastant tout sur son passage. "Sur Valleraugue, "aucune perte humaine et aucun blessé n’ont été référencés "

Au centre de Valleraugue,
quai André Chamson
une plaque témoigne de la hauteur
de la crue de l’Hérault.

A l’intérieur du temple,
le repère de crue
(Photos Météo-France).

Cet épisode diluvien s’inscrit dans une séquence plus longue de 6 jours pluvieux consécutifs. Aussi les sols étaient déjà gorgés d’eau lorsque l’orage du 28 d’une intensité exceptionnelle se produit, provoquant aussitôt de forts ruissellements.

Pour décrire cet épisode vieux de plus d’un siècle, nous disposons :
- des observations du réseau climatologique du Gard,
- des relevés de l’observatoire météorologique du Mont Aigoual,
- ainsi que d’une étude très complète "Valleraugue, Gard - Inondation torrentielle" publiée en 1996 par la DDE du Gard ( extraits ci-dessous)

Voir des extraits de l’étude réalisée par la DDE du Gard (1996).

Sur ce secteur, cet épisode est à rapprocher du déluge du 17 août 1697. A l’époque, cet événement fut ressenti comme signe d’une punition divine : c’était en effet, suite à la révocation de l’édit de Nantes en 1685, une époque très troublée dans les Cévennes.

Contrairement à l’épisode d’août 1697 pour lequel on ne possède aucun relevé pluviométrique objectif ni de descriptif qualitatif de la pluie à l’origine des inondations, l’épisode de septembre 1900 est très bien documenté, grâce à des photos, articles de journaux et témoignages des habitants du village, notamment M. Félix Mazauric, instituteur, dont " la formation et le métier, la connaissance des lieux, donnent à son récit une crédibilité incontestable qui s’inscrit dans une démarche scientifique "

Ces documents permettent de valider la valeur extraordinaire de 950 mm, longtemps controversée par les météorologistes. J. Sanson, inspecteur général de la météorologie, lors du congrès international de géographie de Lisbonne en 1949, réduisit cette " avalanche liquide " du 29 septembre 1900 à une valeur de " 200 mm de pluie en quelques heures ".

En 1970 encore, la note technique de J. Dettwiller de la Météorologie Nationale " Hauteur maximale absolue recueillie en 24 heures en France " suggérait " une valeur plus près de 100 mm... ".

Aujourd’hui, l’étude de cet épisode et de ses conséquences, la comparaison aux épisodes records anciens (1940 sur le Roussillon, 1890 et 1827 sur l’Ardèche) ou plus récents (2002 sur le Gard, 1999 sur les Corbières, 1993 sur la Corse, 1982 sur le Roussillon), les dégâts moindres, occasionnés par des épisodes de 200 mm en 24 heures sur les Cévennes, ne peuvent que réhabiliter cette valeur faramineuse de 950 mm en 24 heures. Par son intensité et les valeurs relevées, cet épisode présente de nombreuses similitudes avec celui des 8 et 9 septembre 2002.

Les chroniques historiques font état de l’ampleur géographique des événements météorologiques de 1697 et 1900, qui ne se sont pas limités au seul secteur de Valleraugue : "cette nuit de septembre (1900) causa encore plus de mal en Lozère, emportant une vingtaine de ponts "
"Une analyse rapide des éditions des 29 septembre au 5 octobre 1900 du journal " Le petit méridional " nous apprend que tout l’arc méditerranéen a été touché : inondations de Castellon en Espagne, à Gênes en Italie, crues du Rhône, de la Durance, du Vidourle (Gard), crues en Ardèche, en Aveyron, dans le Vaucluse...

Pour 1697, les consuls relatent que les communautés du Vigan, de St-Jean-de-Gardonnenque et d’Anduze ont été touchées. Une recherche aux archives départementales de l’Hérault a permis de retrouver une ordonnance de l’intendant de la province, Nicolas de Lamoignon du 12 septembre 1697, confortant la véracité de la relation des consuls sur l’orage exceptionnel du 17 août mais surtout mettant à charge de diverses communautés touchées par l’inondation une partie du coût des réparations aux ponts et chemins royaux. 22 communautés sont citées, à cheval sur les contreforts de l’Aigoual. L’épisode eut donc une grande ampleur.

Dans le journal L’ILLUSTRATION du 13 octobre 1900, sont mentionnés les dégâts subis :
- par débordement du Rhône, à La Palud et Avignon (84), Villeneuve (30), Alrles (13),
- par débordement de la Loire à Roanne (42),
- par débordement du Tarn, du Lot et de l’Aveyron, en Aveyron (12),
- et aussi les ravages observés en Ardèche (07), à Annonay, Largentière, et dans la vallée de l’Eyrieux qui fut ravagée.

- Voir le tableau des valeurs remarquables relevées entre le 25 et le 30 septembre 1900 sur le Gard.

10 ans auparavant, l’observateur, M. Michel, avait déjà relevé 828 millimètres en 24 heures un jour de l’automne 1890 :
" Les 20 et 21 septembre 1890, dans une situation générale perturbée sur l’arc méditerranéen, il tomba une trombe sur le plateau de la Lusette qui causa de graves dégâts dans la vallée de Reynus, à la Valette et Taleyrac, et emporta à Valleraugue une partie du cimetière protestant, en bordure du valat de Bouldouyre, entraînant des cercueils ".

Cet épisode de 1890 avait à l’époque touché l’ensemble des Cévennes, particulièrement l’Ardèche, où la rivière connut une crue extraordinaire à Vallon-Pont-d’Arc, atteignant le niveau record de 17,30 m. Les dégâts de la rivière furent considérables : 28 ponts emportés, destructions innombrables, une cinquantaine de victimes.


- L’épisode de septembre 1900 à Sainte-Enimie
De l’autre côté de la barrière des Cévennes, à Ste-Enimie (Lozère), la hauteur de la crue du Tarn atteinte ce jour-là (18 m par rapport à l’étiage) est parmi les plus fortes observées. Le Tarn atteignait le 3ème étage des bâtisses.

A Sainte-Enimie, cette crue du Tarn est parmi les plus fortes, après celles de septembre 1875 et de septembre 1965. Le Tarn a connu des crues remarquables également en novembre 1982 et novembre 1994.

Des repères de cette crue existent encore :

- dans l’église située en arrière-plan sur les photos, derrière le pont enjambant le Tarn, le niveau de l’eau a atteint le bénitier (Photos Météo-France).

- près du pont : sur le mur du café de Vienne, au store vert, le repère de la crue de septembre 1900 est à plus de 4 mètres (Photos Météo-France).


- L’épisode de septembre 1900 au Mont-Aigoual

Voici les relevés effectués à la station météorologique située sur le Mont-Aigoual, sur la commune de Valleraugue (Gard), à 1567 m d’altitude.

A cette station, les observations météorologiques sont effectuées en continu depuis 1896.


Voici un extrait du tableau Climatologique Mensuel de l’Observatoire qui décrit l’épisode.

- Pluies : Durant l’épisode principal (de 18 h UTC le 28 à 06 h UTC le 29) on relève 194 mm.
Il est important de noter que cette précipitation s’est produite majoritairement sous forme de grêle : or, on constate généralement lors de chutes de grêle qu’une partie des grêlons rebondissent en dehors du pluviomètre. D’autre part, le phénomène s’est produit en cours de nuit, période pendant laquelle l’observateur ne travaillait pas.
Ainsi, on peut supposer que les valeurs relevées sont bien en deçà des valeurs qui se sont réellement produites.

- Pression : Les variations de pression ne sont pas très marquées. On observe un grain à 22 h (hausse de 0.5 mm de mercure, baisse de 2 mm puis hausse de 0.5 mm en très peu de temps), puis une nouvelle baisse de 1 mm à 22 h 30 et remontée jusqu’à 23 h 10.

- Vent : Le vent était de secteur S-SW. Les mesures anémométriques étant effectuées à cette époque 3 fois/jour, à l’aide d’un anémomètre à main, le vent "moyen" ci-contre est calculé sur ces 3 observations. Comme en général dans ce type d’épisode, il oscille entre 12 et 20 m/s, ce qui est peu pour l’Observatoire.
Le 25 : 15 m/s (Sud)
Le 26 : 8,9 m/s (Sud/Sud-ouest)
Le 27 : 14,6 m/s (Sud)
Le 28 : 17,5 m/s (Sud/Sud-ouest)
Le 29 : 12 m/s (Sud/Sud-ouest)
Le 30 : 6,7 m/s (Sud/Sud-ouest)

- Températures : Voici les minimales et maximales relevées au thermomètre fronde :
Le 25 : 10.6/12.8
Le 26 : 10.2/12.8
Le 27 : 8.6/12.4
Le 28 : 11.2/13.2
Le 29 : 6.4/11.2
Le 30 : 7.6/12.6
Si on compare ces températures (à plus de 1500 m d’altitude) à celles qui se sont produites lors d’autres épisodes pluvieux majeurs survenus en septembre sur l’Aigoual, on constate qu’aucune des températures maximales n’est aussi élevée que celle du 28 septembre 1900 :
(10.6°C le 26/09/1907, 12.2°C le 29 septembre 1958, 10.3 le 25 septembre 1965).


Voir le relevé des principaux paramètres météorologiques observés toutes les 3 heures.

Sur le diagramme des températures on relève une baisse considérable vers 19 h 30, au début des précipitations : 4°C (de 12.8 à 8.8°C en environ 10 mn). La température remonte jusqu’à 21 h (12.8°C), puis baisses et hausses successives. Le minimum, 6.4°C, est relevé vers 22 h 30. Les pointes d’intensité de pluies relevées par M. Mazauric, habitant de Valleraugue (20 h, 21 h, 22 h 30, 23 à 24 h) correspondent globalement aux variations les plus importantes.
NB : ces valeurs sont inférieures de 1 à 1.5°C à celles notées sur le recueil mensuel, relevées à l’aide du thermomètre fronde.



Les données disponibles (source : bulletin de la Commission Météorologique du Gard) permettent de proposer ce tracé d’isohyètes. Bien sûr, compte tenu de l’incertitude sur les mesures, ce tracé n’a pour but que de montrer la localisation et l’intensité probable de l’épisode.

Carte des cumuls en 2 jours les 28 et 29 septembre 1900