30 décembre 1947

Inondations dans l’est de la France


Des pluies abondantes fin décembre 1947 provoquent d’importantes crues et inondations sur l’est de la France.
Cet épisode survient peu avant les inondations du 13 au 15 janvier 1948 qui toucheront le même secteur géographique.

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La crue à Nancy, rue Eugéne Vallin et porte Saint-Georges.

Situation générale d’après la note de Jean Martin :

"Un été exceptionnellement long, ensoleillé, chaud et sec a précédé les inondations de la fin de décembre 1947 sur le nord-est de la France. Les chaleurs ont encore été très fortes en septembre, mois durant lequel tous les maxima, sauf cinq, ont été supérieurs à 20 °C ; huit fois le thermomètre s’est élevé au dessus de 30°C. La sécheresse s’est prolongée durant le mois d’octobre, mois qui n’a fourni que 29 mm d’eau (moyenne : 74 mm).

Il faut attendre les pluies d’automne, qui en novembre ont été presque quotidiennes mais généralement pas très abondantes, pour avoir une pluviosité supérieure à la normale. On recueille alors 89 mm d’eau (moyenne : 67 mm). Ces pluies, trop tardives pour l’agriculture sont néanmoins bienfaisantes, car elles font cesser le tarissement des sources.

Jusqu’au 25 décembre, le temps est doux et pluvieux. Les pluies, comme en novembre, sont presque quotidiennes, mais moins abondantes que durant le mois précédent.

Le 19 décembre, une dépression neigeuse produit sur toute la région une forte chute de neige, suivie heureusement de dégel en plaine et même en montagne à une altitude inférieure à 600 mètres. Ainsi l’inondation aurait pu être plus catastrophique encore. Constituée par des pluies torrentielles qui devaient durer 4 jours, elle pouvait encore être aggravée par la présence et la fonte des neiges en plaine, et, dans les Vosges, aux altitudes moyennes.

Dès le 22, une autre dépression apparaît, de l’autre côté de l’Atlantique, sur la Floride . Elle se propage vers l’est et passe le 28 sur le sud de l’Islande et le 29 sur le sud de la Scandinavie. Les ondulations fournies par cette perturbation sont tellement rapprochées que les corps pluvieux qui les accompagnent sont unis les uns aux autres et que, à part l’accalmie de l’après-midi du 26, les pluies ne cessent pour ainsi dire pas.

A Nancy, les pluies sont continues et abondantes entre le 25 et la première partie de la journée du 26, puis entre le 27 et le 29 vers le milieu du jour. Il tombe, en 48 heures, plus de quantités d’eau qu’en un mois, et en cinq jours le cinquième ou le sixième de ce qui tombe en une année. C’est la catastrophe, car, comme nous l’avons dit, ces pluies torrentielles sont accompagnées d’une température extrêmement douce pour la saison et généralement supérieure à 10 °C. Ainsi l’inondation est créée, nourrie à la fois par la pluie et la fonte rapide des neiges en montagne."

Plusieurs ponts et routes ont été détruits,
à Flin en Meurthe-et-Moselle,
Pagny-la-Blanche-Côte dans la Meuse,
Malmerspach dans le Haut-Rhin,
Portieux dans les Vosges,
Ay et Metz en Moselle.

Extrait de "La route" (1948)

Ci-dessous un extrait de "La Route" 1948, par E. Beltremieux :

"Sur l’ensemble des bassins versants français de la Moselle, de la Sarre et de la Nied, des émissaires alsaciens, et de la Meuse (30 000 km2) il est tombé environ 2.6 milliards de m3 d’eau (lame moyenne de 85 mm). Pour retrouver à Verdun un débit de la Meuse supérieur à celui de 1947, il faut remonter jusqu’à l’année 1844.

La Moselle a subi une crue d’une importance extraordinaire, dont la brutalité a été due, en grande partie, à la crue de la Moselotte et de la Meurthe. La situation à Epinal a été catastrophique ; la Moselle, cours d’eau relativement modeste dans cette ville, y a roulé un débit égal à la moitié de celui de la Seine à Paris au plus fort de la terrible crue de 1910.

On jugera du caractère exceptionnel de la crue de la Moselle en observant que les niveaux maxima des inondations mémorables de 1919 ont été dépassées de 0.84 m à Toul, de 1.16 m à Millery et 1.70 m à Metz. Le caractère "multiséculaire" de la crue de 1947 pour la Moselle est mis en évidence par les indications d’une échelle graduée se trouvant à Sierck : le niveau de 1947 dépasse de 1.46 m le niveau de 1919, le plus élevé qu’on ait enregistré depuis 1824. On notera l’extraordinaire violence de la crue à Metz où, le 30 décembre, entre 8 h et 20 h, la cote a augmenté de 3.10 m, ce qui fait ressortir la vitesse surprenante de montée de 0.26 m/h, soutenue pendant 12 heures. La crue de la Meurthe et de ses affluents a été également désastreuse ; en particulier, la situation a Nancy a été tragique."


Carte des cumuls sur 5 jours
du 26 au 30 décembre 1947
Carte des cumuls sur 1 mois
décembre 1947
Carte des rapports à la normale
des cumuls sur 1 mois
décembre 1947

Incidence du contexte historique sur les inondations de décembre 1947 et janvier 1947 :

Le contexte particulier de reconstruction post-guerre dans lesquels se trouvent les territoires lorrains et alsaciens lors de l’évènement a entraîné plusieurs conséquences. En premier lieu, l’inondation a touché des populations ayant déjà fortement soufferts de la guerre. La presse titrera à ce propos « Il y avait des sinistrés de guerre, il y aura désormais ceux de la crue du 29-30 décembre » (Journal l’Est-Républicain, 31/12/1947). En second lieu, de nombreux ponts en bois construits temporairement ont été emportés : pas moins de 33 dans le seul département des Vosges. Ces destructions ont engendré localement des effets d’embâcles, contribuant à hausser le niveau de la ligne d’eau et la gravité de l’inondation.

Situation à Nancy :

À Nancy, le Canal de la Marne au Rhin a débordé, constituant une nouvelle catastrophe pour les habitant qui s’attendaient à voir la submersion ralentie par la présence de la digue du canal.

Victimes et dommages économiques :

Au moins 10 personnes sont décédées lors de l’inondation.
Au total, les dommages sur l’ensemble des départements impactés se chiffreraient à environ 6 500 milliards de francs (valeur de 1948), ce qui équivaudrait à l’heure actuelle à environ 230 millions d’euros aujourd’hui.

Répercussions politiques :

Suite à l’inondation est établie la Commission d’Etude Technique des Inondations de décembre 1947. Cette démarche, relativement rare à l’époque, est assimilable à un retour d’expérience. Parmi les préconisations issues du rapport de la Commission est avancée pour la première fois l’interdiction de pouvoir construite en zone inondable.

Pour en savoir plus, Monographie des inondations de décembre 1947 – janvier 1948 dans le nord-est de la France, Annexes de la thèse de M. Boudou