Les durées de retour

La durée de retour d’un événement extrême

La durée de retour d’un événement extrême est l’intervalle de temps moyen séparant 2 réalisations de cet événement. C’est un concept similaire à celui de la fréquence, à ceci près que dans le cas d’une fréquence, on traite l’échantillon global des valeurs observées pour un paramètre donné alors que dans le cas des durées de retour ce sont les seules valeurs extrêmes observées pour ce paramètre qui nous intéressent.

La rareté des données traitées, combinée au fait que les séries de mesures ne sont pas toujours très longues, fait que les échantillons sont généralement ténus. Cela nous oblige à mettre en œuvre des lois statistiques adaptées à la modélisation de tels événements de façon à extrapoler au mieux leur comportement dans le temps.

Parmi les échantillons traités, il arrive que l’on rencontre des événements exceptionnels, très éloignés des autres événements déjà observés, dont il est difficile d’apprécier finement la durée de retour compte tenu des incertitudes des méthodes statistiques.

L’estimation d’une durée de retour

Les méthodes d’estimation des durées de retour s’appuient principalement sur des outils statistiques, souvent communs aux différentes applications hydrologiques (pluies ou débits). Une inter-comparaison des différentes méthodes utilisées en France avec leurs domaines d’application a été réalisée dans le cadre du projet de recherche EXTRAFLO de l’Agence Nationale de la Recherche. De manière générale, on peut distinguer pour les pluies deux principales familles de méthodes.

1) Les méthodes dérivées de la théorie des valeurs extrêmes :

La théorie des valeurs extrêmes (Coles, 2001), fondée sur les lois des probabilités, offre un cadre mathématique rigoureux pour l’estimation des valeurs rares à extrêmes d’un alea naturel. La loi GEV (loi généralisée des extrêmes, Generalized Extreme Value distribution) (Jenkinson, 1955) et la loi GPD (loi de Pareto généralisée, Generalized Pareto Distribution) (Pickands, 1975) permettent respectivement de caractériser le comportement en loi de maxima annuels et de dépassements de seuils élevés.
Une hypothèse forte de l’application qui est faite de cette théorie réside dans la similitude supposée entre le comportement idéal et asymptotique d’une loi mathématique et le comportement réel d’un phénomène physique observé dans des gammes de fréquence nécessairement éloignées de l’asymptote et où les processus –atmosphériques, hydrologiques– peuvent être perturbés par des seuils physiques. Une autre limitation de l’application de la théorie des valeurs extrêmes dans le domaine des pluies extrêmes concernent les données disponibles.
L’utilisation de séries climatologiques courtes (une dizaine d’années) conduit à de fortes incertitudes d’estimation des événements extrêmes, liées à la distribution d’échantillonnage (forte sensibilité à la présence de valeurs singulières) et à la possible hétérogénéité des populations fondant l’ajustement. Différentes variantes de méthodes dérivées de la théorie des valeurs extrêmes ont été développées ces dernières années en liaison avec les approches utilisées pour les débits, afin d’enrichir l’information prise en compte dans les ajustements et réduire la sensibilité aux effets d’échantillonnage :

- L’approche locale sur une sélection de longues séries : la sélection des séries climatologiques les plus longues et le contrôle de leur qualité est une étape indispensable pour la mise en œuvre des méthodes locales.

Ainsi les durées de retour calculées par Météo-France s’appuient exclusivement sur des sites d’observation de qualité reconnue, en considérant les séries postérieures à 1960 (plus grande fiabilité des instruments), disposant d’une durée préférentiellement supérieure à 25 ans (réduite à 13 ans pour les pas de temps infra journaliers où les séries sont moins nombreuses).

La mise en œuvre des ajustements statistiques nécessite une bonne dose de rigueur et d’expertise. En production opérationnelle, Météo-France utilise à ce jour préférentiellement la loi de Pareto (GPD :) permettant de prendre en compte un nombre maximum d’évènements pluvieux intenses au-dessus d’un seuil dont plusieurs ont pu se produire au cours d’une même année.



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Fiche méthode pour l’utilisation des différentes lois statistiques
pour le calcul des durées de retour des précipitations à Météo-France.
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Le calcul des quantiles est limité aux fréquences inférieures à quatre fois la longueur de la série. Les estimations proposées sont systématiquement assorties d’intervalles de confiance à 70% (qui signifient concrètement qu’il y a 70% de chances pour que le quantile soit compris entre les bornes données).
Malgré ces précautions, certaines valeurs observées peuvent se retrouver en dehors de l’intervalle de confiance, notamment lorsque plusieurs événements exceptionnels se détachent des autres observations (voir ci-contre l’ajustement calculé sur la série de Nîmes Courbessac où sur 53 années traitées, la méthode identifie 3 valeurs proches ou au-dessus de la durée de retour cinquantennale).

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Evaluation de la durée de retour d’une précipitation en 1 jour à Nîmes (Gard)
par la méthode du renouvellement et carte des cumuls
sur 1 jour le 12 octobre 1990 avec zoom sur le Gard.
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- L’approche régionale : nouvellement mise en opérationnelle, elle consiste à augmenter la taille de l’échantillon d’analyse en élargissant le domaine spatial d’observation et à analyser simultanément les observations de différents postes de mesure d’une zone supposée homogène. On considère alors que les distributions des sites d’une même région homogène sont identiques, à un facteur multiplicatif près, appelé index value (Dalrymple, 1960). Cette approche est utilisée depuis 2016 pour la production opérationnelle de Météo-France, en amélioration de l’analyse locale basée sur la loi Pareto.

- L’approche par types de temps : on peut aussi chercher à améliorer l’homogénéité des séries locales et enrichir leur contenu en raisonnant par saison et par types de temps. La méthode MEWP (Garavaglia et al., 2010) développée par EDF/DTG consiste à combiner des lois locales basées sur des sous-populations d’événements pluvieux classés selon la saison et huit types de temps sur la France, dont on connaît la probabilité relative d’occurrence.

2) Les générateurs stochastiques : une approche totalement différente de celle dérivée de la théorie des valeurs extrêmes consiste à utiliser un générateur d’averses pour apprécier l’aléa pluviométrique. Le modèle Shypre (Cernesson et al., 1996 ; Arnaud et Lavabre, 2010), acronyme de Simulation d’HYdrogrammes pour la PREdétermination des crues, permet de générer de très longues chroniques de pluies horaires (sur 100 000 ans, par exemple) à partir d’hypothèses sur la structuration des averses et les lois de probabilités sous-jacentes. Une application régionalisée, dénommée SHYREG, permet grâce à une spatialisation des différents paramètres du modèle SHYPRE, d’obtenir des quantiles de pluie en tout point du territoire (grille de résolution 1 km) pour des pas de temps de 1h à 72h et des durées de retour de 5 à 100 ans, voire jusqu’à 1000 ans.

image A titre d’exemple est présentée ci-contre la cartographie du quantile de précipitation en 1h pour la durée de retour 50 ans.
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Comment qualifier des événements hydrométéorologiques rares ?
Un certain nombre d’événements présentés dans ce site apparaissent relativement exceptionnels du point de vue de l’intensité de l’aléa pluviométrique, notamment ceux d’octobre 1940 sur le Roussillon, d’octobre 1993 en Corse, de novembre 1999 sur le Roussillon, de septembre 2002 sur le Gard ou plus récemment celui de juin 2010 sur le Var.

Par application des lois statistiques décrites ci-dessus aux séries pluviométriques les plus longues de la base climatologique de Météo-France, les durées de retour de certains cumuls observés lors de ces épisodes peuvent dépasser plusieurs centaines d’années, voire les valeurs estimées millénales. Pour autant on ne peut qualifier avec une grande précision la durée de retour de ces valeurs qui se situent en dehors des intervalles de confiance des méthodes statistiques.

Par ailleurs, la qualification d’un évènement pluviométrique rare doit intégrer sa dimension spatio-temporelle, ce qui implique de connaître non plus des cumuls locaux de précipitation mais des lames d’eau sur des territoires ou bassin versants. Ainsi, on peut qualifier l’événement de juin 2010 à l’échelle du département du Var comme le plus sévère depuis 1958 pour la surface du territoire touchée par des précipitations journalières intenses, quel que soit le seuil utilisé (100, 120 ou 150 mm).