2006 Diwa

Du 3 au 8 mars 2006

Même si DIWA ne peut se comparer en terme de vents aux grands cyclones mémorables ayant concerné l’île, il rivalise toutefois avec eux pour ce qui est des quantités de précipitations produites sur la globalité de l’épisode.

Trajectoire de Diwa

La composante majeure de l’épisode DIWA aura été sa durée. La structure très particulière de ce système dépressionnaire, tout particulièrement l’extension importante de sa zone d’influence (induite par sa caractéristique originelle de dépression de mousson) et sa vitesse de déplacement relativement lente, ont fait que le temps très perturbé a duré plus de trois jours dans certains secteurs.

La zone de vents forts s’est ainsi attardée durablement sur l’île, même si la rotation des vents et les effets de masque du relief ont fait que les différentes régions de l’île ont été concernées chacune à leur tour. Si les vents ont soufflé fort, parfois durant de nombreuses heures, la force de ces vents est toutefois restée quasiment partout en deçà du seuil des conditions cycloniques – correspondant à des rafales de 150 km/h, le système d’alerte cyclonique étant basé sur le risque potentiel de dépasser ce seuil de vent –.

Sur les zones littorales, les rafales de vents les plus fortes mesurées n’ont excédé que très localement les 100 km/h (104 km/h au Port). Des valeurs supérieures ont été observées dans les hauts, avec des rafales maximales de 139 km/h au Gîte de Bellecombe. Des valeurs plus importantes ont été mesurées sur des sites particulièrement exposés (effets d’accélération très localisés, en bord de falaise en particulier) : 194 km/h au sommet du Gros-Piton Sainte-Rose, 180 km/h au Piton Maïdo.

L’élément marquant de DIWA restera toutefois la pluviométrie très abondante occasionnée par le météore dans l’intérieur de l’île. Si, sur les zones littorales, les précipitations sont restées conformes à un épisode de fortes pluies ordinaire, les hauteurs de l’île ont, par contre, été copieusement arrosées. Plus que les intensités maximales sur des courtes durées, qui n’ont rien eu de remarquable par rapport à des épisodes de fortes pluies classiques, ce sont les lames d’eau très importantes accumulées sur des périodes de 24 à 96 heures qui donnent à cet épisode DIWA son caractère exceptionnel.

Les pics de vents, comme de précipitations, ont tous été observés à compter du milieu de nuit du samedi 4 au dimanche 5 mars.


Chronologie

Le vendredi 3 mars, quelques heures avant son baptême, DIWA affiche une belle structure de dépression de mousson. Outre l’extension considérable (plus de 2000 km du nord-ouest au sud-est) du système nuageux associé à la vaste circulation dépressionnaire, on note une zone centrale de nébulosité moindre autour de laquelle gravitent les bandes nuageuses convectives principales. Mais aucune bande convective significative ne permet de créditer ce système d’une intensité Dvorak qui soit en rapport avec la force des vents pourtant présents au sein de sa circulation dépressionnaire. Cette dépression de mousson prendra plusieurs jours à muter en un système dépressionnaire tropical classique.
Comme habituellement à l’approche d’un système tropical dépressionnaire, les pluies débutent très tôt dans les hauts. Elles commencent à tomber dès le début d’après-midi du 3 mars sur le massif du volcan, puis s’étendent en fin de journée et dans la soirée dans les cirques de Salazie, Mafate et Cilaos. Dans la nuit, c’est une très grande moitié nord-est de l’île qui est sous la pluie. Pour cette journée du 3, on relève déjà 275 mm au Gîte de Bellecombe. Le vent souffle fort de sud-est dans l’après-midi sur les côtes nord-est et sud-ouest et dans les hauts. On mesure des pointes supérieures à 90 km/h. Il s’oriente au secteur est dans la soirée et la zone de vent fort se décale vers l’ouest sur le Nord et vers l’est sur le Sud.

Le samedi 4, la convection s’est regroupée et structurée autour de deux pôles bien distincts, distants d’environ 400 km. Cette « bipolarisation » contribue à retarder la constitution d’un système dépressionnaire mature. DIWA finit par absorber l’autre minimum dépressionnaire, mais demeure très dissymétrique. La Réunion est située dans le secteur le plus défavorable de la circulation dépressionnaire et se retrouve durablement soumise à un temps très perturbé.
Les pluies s’intensifient progressivement dans la journée du samedi 4 mars, touchant plus particulièrement les hauts allant du nord-est au sud-est de l’île et les cirques. On atteint un pic d’intensité dans la nuit du 4 au 5 avec en 3 heures : 200 mm à Salazie-Village, 199 mm à la Nouvelle, 198 mm à Grand-Ilet, 113 mm à Espérance les Bas, 100 mm à la Plaine-des-Cafres. Pour la journée du 4, on mesure : 814 mm au Cratère Commerson, 670 mm à Salazie-Village, 575 mm à la Nouvelle, 500 mm à la Crête et 345 mm à Bras-Pistolet. Les vents aussi se renforcent encore en s’orientant très lentement à l’est puis au nord-est. À partir du milieu de journée, les rafales dépassent les 100 km/h dans les hauts d’une grande moitié nord-est, pour atteindre les 120 km/h dans la nuit. Ils soufflent également sur les côtes nord et sud avec des rafales proches des 90 km/h.



Image satellitaire Noaa 17 du 5 mars 2006 à 6h24 UTC (10h24 à La Réunion)



Le dimanche 5, DIWA transite à proximité de La Réunion. Il ne paie vraiment pas de mine à ce moment-là, apparaissant très peu organisé. Il passe au plus près à environ 150 km au nord-ouest de l’île. La convection demeure alors fluctuante mais un noyau particulièrement intense affecte la Réunion. Des pluies localement diluviennes s’abattent dans les hauts, où le relief exacerbe de manière extrême les précipitations, avec un maximum de 1480 mm en 24h au cratère Commerson.
C’est dans cette journée de dimanche 5 mars que globalement les pluies sont les plus intenses avec un premier pic d’intensité dans la matinée qui touche surtout les cirques de Mafate et de Cilaos et le Sud-Est de l’île : en 6 heures on relève 346 mm à la Nouvelle. Le véritable paroxysme de l’ensemble de l’épisode survient dans la soirée et la nuit du 5 au 6. On mesure alors :
- en 1 heure : 105 mm à Mare à Vieille Place, 99 mm à Grand-Ilet, 81 mm à Aurère, 56 mm à Bras-Pistolet, 50 mm à Saint-Philippe ;
- en 3 heures : 271 mm à Mare à Vieille Place, 139 mm à Chemin de Ceinture ;
- en 6 heures : 444 mm à Mare à Vieille Place, 438 mm à Grand-Ilet, 391 mm à Salazie, 224 mm à la Crête.
Au final, le cumul quotidien du 5 (de 7 heures le jour à 7 heures le lendemain) atteint 1400 mm à Commerson. C’est l’une des plus fortes valeurs jamais enregistrées à La Réunion. Le vent continue sa rotation vers le nord et se renforce encore dans les hauts avec des rafales de 130 à 140 km/h. La côte ouest, jusque là protégée, est touchée à son tour et les vents forts de nord à nord-est atteignent la région de Saint-Leu dans la soirée. Néanmoins, sur les côtes les rafales atteignent rarement les 100 km/h. Les cirques ne sont pas en reste avec des pointes avoisinant ces mêmes valeurs.

Le lundi 6, la structure nuageuse du météore commence à s’organiser, amorçant l’évolution vers une configuration se rapprochant davantage de celle d’un système dépressionnaire classique. Le centre du météore est alors à environ 300 km au sud-ouest de l’île. Puis DIWA s’enfonce lentement mais sûrement vers les latitudes sud. Mais sa trajectoire décrit une courbe qui le laisse à moins de 400 km pendant encore 36h, plaçant toujours La Réunion dans sa sphère d’influence jusqu’au mardi 7 mars.
Les fortes pluies persistent dans les hauts et les cirques, mais ont quand même tendance à diminuer d’intensité. Partout ailleurs, elles se font plus espacées, voire disparaissent dans la nuit suivante. On mesure tout de même encore en cumul quotidien : 832 mm à Grand-Ilet, 408 mm à Mare à Veille Place, 344 mm à Cilaos. Les vents orientés maintenant au nord à nord-ouest s’atténuent très lentement et les rafales dépassent encore les 100 km/h dans les hauts. Cette rotation progressive au nord-ouest amène un renforcement très important du vent (mais très localisé) dans le secteur du Gros-Piton Sainte-Rose avec des valeurs qui dépassent les 150 km/h.
La journée du 7 mars est encore pluvieuse dans l’intérieur de l’île, mais une nette amélioration se dessine ailleurs avec des averses devenant beaucoup plus rares et moins intenses. Les vents deviennent plus irréguliers et diminuent encore en intensité, mais on observe encore de violentes rafales dans les hauts et les secteurs exposés sur les façades ouest et est. C’est la fin de l’épisode pluvieux DIWA.

Le mercredi 8, la forte tempête tropicale DIWA atteint son apogée, mais elle est très loin au sud de La Réunion, à plus de 600 km.
Même si DIWA n’influence plus directement le temps sur La Réunion, elle draine dans son sillage des cellules orageuses, dont l’une touche plus particulièrement la moitié nord de l’île dans la nuit du 8 au 9, et dont les cumuls viennent s’ajouter aux cumuls pluviométriques des jours précédents.


Bilan des dégâts

La pluviométrie engendrée par DIWA à La Réunion aura causé de nombreux désordres et fait également une victime directe (une automobiliste emportée dans la ravine St-Gilles, alors qu’elle se rendait à son travail). Trois décès ont par ailleurs été indirectement reliés à l’épisode DIWA (intoxication au monoxyde de carbone dans une famille d’Îlet à Cordes ayant commis l’imprudence de placer un groupe électrogène dans sa maison).

Les dégâts matériels ont par ailleurs été nombreux. Au-delà des multiples inondations de maison traditionnellement associés aux gros épisodes pluvieux, moins habituelle aura été la destruction totale d’habitations construites à proximité du lit de la rivière des Pluies. Déjà menacées par la crue de la rivière lors de l’épisode de fortes pluies de février, les maisons ont cette fois été emportées sans rémission.



La Rivière des Pluies menace les habitations (source : Journal de l’Île de La Réunion)

Le réseau routier a beaucoup souffert dans les hauts, avec de nombreux éboulis et portions de route emportées ou endommagées. A un degré moindre, les réseaux d’eau et d’électricité ont également connu des perturbations.

L’agriculture, maraîchère en particulier, a subi des pertes importantes.

Mais les principales conséquences néfastes, et même dramatiques, sont survenues a posteriori. Outre des imprudences à répétition survenues dans les ravines et cours d’eau dans la période post-DIWA, avec un lourd bilan de 4 personnes noyées (une dans le bras de Cilaos, trois à la cascade Niagara), plus deux ayant échappé de peu à la mort, d’autres victimes ont été à déplorer du fait de l’impact géologique induit a posteriori par les pluies de DIWA. Accéléré par les fortes précipitations, le travail d’érosion de la falaise surplombant la route littorale a résulté en l’occurence successive de deux éboulis, dont un majeur.

De part sa géologie et son relief très marqué, La Réunion est exposée à la fois à des épisodes pluvieux parfois intenses et à un risque géologique latent. Quand les deux se combinent, à savoir quand le travail d’érosion est amplifié et accéléré suite à de fortes précipitations, les conséquences peuvent être dramatiques. Tout au long de son histoire, l’île a ainsi régulièrement été soumise à des glissements de terrain et éboulements, d’ampleur plus ou moins importante, se produisant consécutivement à des fortes pluies, le plus souvent d’origine cyclonique, et ce dans un délai extrêmement aléatoire, rendant ce risque très difficile à anticiper et à gérer.

Le 12 mars, d’abord, un rocher de 7 tonnes se décroche de la falaise et finit sa course sur les voies de circulation. Six automobilistes sont blessés, dont trois grièvement. Mais ensuite, le 24 mars, soit plus de 15 jours après la fin de l’épisode DIWA, c’est un événement d’une ampleur bien supérieure qui survient à l’aube. Là, c’est tout un pan de falaise représentant 15 à 20 000 m3 de terre et de roches, qui se décroche et engloutit la route. On dénombre deux morts et deux blessés graves. Le bilan aurait pu être bien plus dramatique si l’éboulement s’était produit deux heures plus tard, à l’heure de pointe du trafic.



Éboulement sur la route du littoral le 24 mars 2006 (source : DEAL Réunion)

Outre le bilan humain, ce glissement de terrain meurtrier, et indéniablement lié à DIWA (le dernier événement comparable, faisant 3 morts, avait eu lieu en juin 1980, soit quelques mois après HYACINTHE), aura eu un impact socio-économique très important, la fermeture pendant plusieurs semaines du lien routier vital que constitue la « route du littoral » ayant perturbé gravement à la fois la vie économique, mais aussi la vie quotidienne des très nombreux usagers condamnés à subir des heures d’embouteillage quotidiens sur la route de La Montagne. La circulation ne sera ensuite rétablie sur 4 voies qu’en juillet, soit plus de trois mois après l’événement.


Bilan Climatologique

Le bilan du passage de DIWA à proximité de l’île est éloquent. Concernant les pluies, voici les valeurs maximales que l’on a pu mesurer à différents pas de temps glissants :

- en 1 heure : 105 mm à Mare à Vieille Place, 99 mm à Grand-Ilet, 84 mm à Cilaos.
- en 3 heures : 289 mm à Commerson, 271 mm à Mare à Vieille Place, 199 mm à la Nouvelle.
- en 6 heures : 488 mm à Commerson, 438 mm à Grand-Ilet, 346 mm à la Nouvelle.
- en 12 heures : 795 mm à Commerson, 771 mm à Grand-Ilet, 566 mm à la Nouvelle.
- en 24 heures : 1480 mm Commerson, 1337 mm à Grand-Ilet, 926 mm à la Nouvelle.
- en 48 heures : 2305 mm à Commerson, 2246 mm à Grand-Ilet, 1443 mm à Aurère.

Si l’on considère maintenant les cumuls sur les valeurs quotidiennes mesurées de 7 heures le jour à 7 heures le lendemain :

- en 3 jours : 2720 mm à Commerson, 2620 mm à Grand-Ilet, 1657 mm à Aurère. Ces valeurs sont supérieures à ce qu’on avait pu mesurer dans un passé récent avec le passage de cyclones beaucoup plus violents (2082 mm par exemple avec Dina en janvier 2002 à la Plaine des Chicots). À noter que le record mondial était toujours détenu par Grand-Ilet avec 3240 mm en janvier 1980 et le cyclone Hyacinthe de triste mémoire.

- en 4 jours : 2957 mm à Grand-Ilet, 2874 mm à Commerson, 1757 mm à Aurère. Là encore, le record mondial revenait toujours au cyclone Hyacinthe avec 3551 mm mesurés à Commerson.

Grâce à DIWA, dont les pluies ont à elles seules surpassé dans les cirques celles d’une saison des pluies complète, le reste de l’île a bénéficié d’une pluviométrie excédentaire qui s’est pour l’essentiel concentrée en deux épisodes pluvieux marquants, à savoir celui de février (du 16 au 19) et celui de DIWA, rappelant ainsi que les perturbations tropicales sont un mal nécessaire pour la ressource en eau des îles tropicales.



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Ci-dessous l’animation des pluies cumulées de Diwa sur La Réunion du 3 au 8 mars 2006 :


Accès aux cartes de l'épisode (avec un minimum de 200 mm):

Episode de 6 jours du 3 MARS 2006 au 8 MARS 2006
Pluies en 1 jour : 3 MARS 2006
Pluies en 1 jour : 4 MARS 2006
Pluies en 1 jour : 5 MARS 2006
Pluies en 1 jour : 6 MARS 2006
Pluies en 1 jour : 7 MARS 2006