2022 Batsirai

Du 1er au 4 Février 2022

Le cyclone tropical Batsirai a sévèrement affecté les conditions météorologiques à La Réunion, occasionnant un épisode venteux et pluvieux durable. Le centre du cyclone est néanmoins resté à plus de 190 km des côtes de l’île au moment de son passage au plus près. Le département a donc eu la chance d’être épargné par le cœur du phénomène où étaient concentrées les conditions les plus extrêmes associées au météore.

La dernière alerte rouge à La Réunion remontait à huit ans en arrière, avec l’épisode Bejisa en janvier 2014. Batsirai a ainsi mis un terme à la plus longue période sans alerte rouge dans l’histoire contemporaine de l’île. Après une telle ère de calme (relatif) inhabituellement longue, Batsirai a constitué comme une piqûre de rappel pour ceux qui auraient oublié que La Réunion reste une terre de cyclones.

Trajectoire de Batsirai

Batsirai a renoué avec la grande tradition des cyclones arrivant par le nord-est (historiquement, plus de 90% des cyclones qui ont menacé La Réunion sont arrivés par ce secteur), tradition un peu perdue ces dernières années, puisque les deux événements les plus notables de la dernière décennie, Fakir en 2018 et Bejisa en 2014, avaient été des événements atypiques (tous deux formés au nord-est de Madagascar – au voisinage de l’archipel seychellois des Farquhar – ces deux cyclones étaient arrivés par le nord-ouest de l’île). Batsirai succède ainsi à Gamede (en 2007) et à Dina (en 2002), les deux cyclones les plus marquants depuis le début du 21ème siècle. S’il ne peut rivaliser en termes d’impact avec Dina, dont le centre était passé beaucoup plus près, il n’en demeurera pas moins comme un événement mémorable, ayant généré 38 heures d’alerte rouge.

Le centre du cyclone est demeuré à moins de 220 km au nord quelques 26 heures durant, se mouvant lentement l’essentiel de la journée du 3 février, tout en longeant l’arc des 200 km de distance. Ce déplacement ralenti, a grandement contribué à maintenir plus longuement le département sous l’emprise du météore. Si les vents sont généralement restés dans des limites raisonnables, du fait de l’éloignement suffisant du cœur dangereux du cyclone, l’influence pluvieuse a été remarquable dans l’intérieur de l’île, plus particulièrement sur les hauteurs du volcan et dans les cirques, notamment à Mafate.


Formation et évolution

Le futur cyclone Batsirai naît bien loin de La Réunion, ses prémices émergeant le 24 janvier au milieu de l’océan Indien, à quelque 3800 km du département. La perturbation embryonnaire s’éloigne même temporairement le lendemain (jusqu’à la distance maximale de 3900 km), avant de se rapprocher dès le 25 après-midi. Dès le 26, les prévisions à longue échéance disponibles indiquent une menace importante pour l’ensemble des îles de l’archipel des Mascareignes (à échéance de 8 jours pour La Réunion, ce qui s’avérera un timing exact), susceptibles dans le pire des cas d’être potentiellement visitées les unes après les autres par le météore, au fil d’une trajectoire qui devrait demeurer très zonale (i.e. orientée globalement est-ouest).

Baptême

Devenue tempête tropicale modérée dans la nuit du 26 au 27, la toute fraîchement nommée Batsirai connaît une phase d’intensification expresse en journée du 27 (favorisée par l’extrême petitesse de la partie centrale du météore), qui l’amène au stade de cyclone tropical dans l’après-midi, avant de s’affaiblir presque aussi rapidement en soirée. Batsirai a franchi le 80ème méridien Est et sa trajectoire vient de se redresser quasiment plein ouest, à quelque 1600 km à l’est-nord-est de l’île Rodrigues, le centre de ce qui est redevenu une simple tempête tropicale, louvoyant dès lors le long du 18ème parallèle Sud au cours des 36 heures suivantes.

Puis la trajectoire oblique en direction de l’ouest-nord-ouest au petit matin du 29 janvier. Ce changement de cap durable, puisque se prolongeant plus de 48 heures durant, jusqu’au matin du 31 janvier, va être salutaire pour les trois îles Mascareignes.

Cyclone tropical de petite taille à 400 km de Rodrigues

Salutaire pour Rodrigues, puisque le centre de Batsirai transite finalement, en cette même journée du 31 janvier, à plus de 400 km au nord de la possession mauricienne, qui ne connaît ainsi qu’une influence marginale au passage du météore, redevenu cyclone tropical depuis le 29, mais toujours de très petite taille.

Salutaire également pour Maurice et La Réunion, car c’est grâce à cette longue remontée en direction de l’équateur, ramenant le centre du phénomène au nord du 16ème parallèle Sud, que les deux îles sœurs vont bénéficier d’une trajectoire plus favorable, les laissant in fine à distance suffisante du centre du phénomène pour échapper à un impact direct. Car une incurvation de la trajectoire en direction de l’ouest-sud-ouest est prévue et elle intervient effectivement en fin d’après-midi de ce 31 janvier, peu après le passage à l’aplomb de l’île Rodrigues.

Batsirai se situe à ce moment-là à environ 960 km dans l’est-nord-est de La Réunion (en situation de pré-alerte cyclonique depuis la veille en fin de journée déjà), pour laquelle une dégradation du temps est annoncée, mais avec une trajectoire prévue qui devrait toutefois permettre à l’île de rester en marge externe du cœur du système. Et si cette trajectoire favorable se vérifie, ce sera providentiel, car à ce moment-là Batsirai est anticipé devenir un cyclone dangereux, avec la conjonction de deux éléments : un environnement météorologique qui va s’améliorer au fur et à mesure de sa progression vers des latitudes plus sud, lui permettant de s’intensifier, et dans le même temps un élargissement probable du phénomène.

Toutes ces prévisions vont se réaliser. De cyclone très compact et d’intensité relativement modérée, Batsirai va devenir un cyclone tropical de forte intensité, et de dimension nettement élargie.

Cyclone tropical intense à 155 km de l’île Maurice

En fin de journée du 1er février, Batsirai transite au sud de l’archipel de St-Brandon, en phase d’intensification. Le phénomène atteint finalement son maximum d’intensité dans l’après-midi du 2 février, au stade de cyclone tropical intense, avec des vents moyens estimés culminer à 200 km/h, ce qui signifie des rafales maximales sur mer à plus de 280 km/h. Le centre du cyclone est alors au plus près de l’île Maurice, à environ 155 km au nord-nord-ouest, et à 270 km au nord-est de La Réunion, en alerte orange depuis 6h du matin.

Cyclone tropical intense à 190 km de la Réunion

Le rapprochement final de La Réunion au cours des 24 heures suivantes, s’accompagne d’un cycle de remplacement du mur de l’œil, évolution interne se produisant fréquemment au sein des cyclones et qui voit le remplacement de l’œil initial par un nouvel œil plus large. Ce processus, s’il s’accompagne généralement d’un affaiblissement temporaire des vents les plus violents présents au voisinage du mur de l’œil, contribue par contre à élargir la zone de vents forts (vents de force tempête et ouragan typiquement) autour de celui-ci.

Image satellitaire en visible du 03 février 2023 à 16h (heure locale à la Réunion)

La Réunion reste fort heureusement en dehors de la zone d’extension de ces vents les plus forts, mais subit malgré tout une influence venteuse et pluvieuse importante. Et d’autant plus importante que le météore a vu son déplacement ralentir fortement à l’approche du département. Tout au long de la journée du 3 février, Batsirai ne progresse qu’à 6-7 km/h, ce qui contribue à maintenir plus longuement le département sous l’emprise du météore. Les vents tempétueux de secteur est balayent les façades nord et sud, avec des vents soufflant jusqu’à 120-130 km/h en pointe sur le littoral, les rafales excédant localement les 150 km/h dans les Hauts les plus exposés. Des valeurs en totale conformité avec les valeurs annoncées 48 heures avant l’arrivée du cyclone.

Les pluies les plus conséquentes, diluviennes dans l’intérieur de l’île, se produisent dans la partie arrière du météore, nettement plus humide que la partie avant. Parfaitement suivi par les deux radars de La Réunion, l’œil du cyclone passe au nord de la Réunion et on peut voir sur l’image ci-dessous qu’une des bandes périphériques externe du système touche La Réunion. Les pluies sur l’île sont amplifiées par son relief imposant.

Image radar du 03 février 2023 à 18h45 (heure locale à la Réunion)

Le déplacement ralenti retarde également le début d’éloignement du météore, dont le centre longe l’arc des 200 km de distance de nos côtes une bonne partie de la journée. Ce n’est finalement qu’en soirée que le centre du cyclone commence de, très lentement, s’éloigner, après avoir transité à un peu plus de 190 km au nord-nord-ouest au plus près. Les conditions ne vont toutefois que très lentement s’améliorer sur l’île, se dégradant même classiquement dans certains secteurs. Avec la rotation des vents plus est-nord-est, la région nord-ouest (Possession, Le Port) jusque-là protégée par le relief, subit la rentrée brutale du vent, tandis que dans l’axe des Plaines, les vents de nord-est s’engouffrent puissamment, descendant de la Plaine des Cafres jusque dans les bas par bourrasques, au Tampon ou à l’Entre-Deux, voire même jusqu’à St-Louis. L’alerte rouge en vigueur depuis 19h le 2 février, peut cependant être levée en matinée du 4 février.

Atterrissage sur Madagascar

Batsirai se dirige alors vers Madagascar, et pour la Grande Île, il n’y a hélas pas d’échappatoire possible ; l’immense barrière nord-sud qu’elle représente sur la route du cyclone, ne peut pas lui permettre d’éviter un impact qui s’annonce dévastateur. Car malgré de nouvelles fluctuations de son intensité, c’est un cyclone tropical mature qui se rapproche inexorablement, et qui tend même à reprendre de la vigueur dans les heures finales précédant l’arrivée de l’œil sur la côte orientale de la Grande Île. Le centre de Batsirai touche finalement terre en soirée du 5 février, légèrement au nord de la ville côtière de Mananjary, qui se retrouve du mauvais côté de la trajectoire, exposée à la marée de tempête et aux vents les plus violents, alors estimés souffler jusqu’à 230 km/h pour les rafales maximales.


Déroulé des alertes à la Réunion

- Pré-alerte cyclonique du dimanche 30 janvier 2023 à 18h (locales) au mercredi 2 février à 6h,
- Alerte orange cyclonique du 2 février à 6h (mais annoncée la veille à 19h) jusqu’à 19h,
- Alerte rouge cyclonique du mercredi 2 février à 19h (annoncée à 13h30) au vendredi 4 février à 9h,
- Phase de sauvegarde du vendredi 4 février à 9h au dimanche 6 février à 18h.


Bilan climatologique

Pluviométrie

- Dans la nuit du 1er au 2 février, les premières pluies marquées touchent d’abord les contreforts du volcan et le Sud Sauvage. Les pluies s’intensifient le 2 février sur le Volcan, avant de s’étendre vers les Cirques la nuit du 2 au 3. Elles continuent à s’intensifier dans les Hauts le 3, tout en restant bien moins marquées sur les franges côtières. Tandis que le météore s’éloigne lentement le 4, les pluies restent intenses dans les Hauts du Sud-Ouest.

- Sur l’ensemble de l’épisode, les postes les plus arrosés (cumul sur 5 jours climatologiques) se situent dans les Hauts, notamment sur le Volcan et dans le Cirque de Mafate : 2044 mm à Commerson, 1540 mm à La Nouvelle, 1259 mm à Cilaos, 1259 mm à Grand-Galet, 1055 mm à Ilet à Vidot, 985 mm à Piton Maïdo, 977 mm à Plaine des Cafres, 887 mm à Plaine des Chicots, 851 mm au Tampon.

- Si cet épisode a été exceptionnel par sa durée, il l’a été également par l’intensité des précipitations à l’approche et au transit de Batsirai au plus près de la Réunion.

Quelques valeurs remarquables du 2 au 4 février :

- Bellecombe-Jacob : 1598 mm en 48 heures (4ème valeur la plus élevée depuis 1966, talonnant les 1638 mm du cyclone Hyacinthe en janvier 1980, les 1615 mm du cyclone Firinga en janvier 1989 et les 1614 mm du cyclone Gamede en février 2007)
- Aurère : 1143 mm en 48 heures (supérieure au quantile décennal)
- Grand-Coude : 896 mm en 48 heures (2ème valeur la plus élevée depuis 1978 derrière le record de 981 mm de Janvier 2018 – Forte Tempête Berguitta).
- Pont d’Yves : 736 mm en 48h (valeur la plus élevée depuis 2001 battant le record de 671 mm de mars 2006 – Forte Tempête Diwa)
- Cilaos : 492 mm en 12 h (supérieure au quantile décennal)
- Grand-Galet : 486 mm en 12 h (supérieure au quantile décennal - 3ème valeur la plus élevée depuis 1978)
- Le Guillaume : 329 mm en 24 h (supérieure au quantile décennal)

Le vent au passage de Batsirai

Les vents ont commencé à se renforcer sensiblement dans la nuit de 1er au 2 février et sont devenus très vigoureusement soutenus du 2 au 3, avec des rafales dépassant généralement le seuil des 100 km/h. Les rafales les plus fortes ont été enregistrées en soirée du 3 février et jusqu’en milieu de nuit suivante, dans les Hauts, sur les côtes nord-ouest et sud-ouest. Alors que le météore s’éloigne le 4, on observe encore localement de fortes rafales dans les Hauts et sur la côte nord-ouest.

Rafales maximales de vent enregistrées à la Réunion

Parmi les vents les plus forts, on enregistre les rafales maximales suivantes :

- dans les Hauts
Piton Maïdo : 208 km/h de nord le 4 à 01h59
Gîte de Bellecombe : 159 km/h d’est-nord-est le 3 à 20h12
Petite-France : 142 km/h de nord-est le 3 à 22h10
Cilaos : 142 km/h de sud-est le 3 à 18h16
Plaine des Cafres : 133 km/h de nord-est le 3 à 21h46
Plaine des Palmistes : 113 km/h d’est le 3 à 23h12
Colimaçons : 81 km/h le 3 à 00h00

- dans les Bas
Le Port : 135 km/h d’est-nord-est le 3 à 21h57
Pont-Mathurin : 127 km/h le 4 à 01h32
Pierrefonds-Aéroport : 124 km/h d’est-sud-est le 3 à 17h04
Gillot-Aéroport : 122 km de sud-est le 3 à 10h06
Bellevue Bras-Panon : 117 km/h d’est le 3 à 16h20
Gros Piton Ste-Rose : 111 km/h de sud-est le 2 à 09h15
Pointe des Trois-Bassins : 98 km/h de sud-sud-est le 2 à 15h24
Le Baril : 96 km/h de sud-est le 3 à 17h18
St-Benoît : 96 km/h de sud-est le 1 à 17h02

La durée de l’épisode fortement venteux est quant à elle vraiment exceptionnelle sur les communes de Sainte-Marie et Sainte-Suzanne. De nombreuses zones, y compris proche du littoral, ont été concernées par des rafales de vent supérieures à 100 km/h durant de nombreuses heures (32 heures consécutives pour l’aéroport de Gillot, ce qui constitue un record depuis que l’on y effectue des relevés continus de vent). Cette durée des fortes rafales a très certainement contribué aux dégâts provoqués par le passage de Batsirai.

Accès aux cartes de l'épisode (avec un minimum de 200 mm):

Episode de 4 jours du 1er FEVRIER 2022 au 4 FEVRIER 2022
Pluies en 1 jour : 1er FEVRIER 2022
Pluies en 1 jour : 2 FEVRIER 2022
Pluies en 1 jour : 3 FEVRIER 2022
Pluies en 1 jour : 4 FEVRIER 2022