Les grandes zones de précipitations dans le Pacifique et le phénomène ENSO


Situation de la Polynésie française dans le Pacifique

La Polynésie française se situe au milieu de l’océan Pacifique entre 5° et 30° de latitude sud et 130° et 155° de longitude ouest. Aussi vaste que l’Europe, ce territoire est constitué de 118 îles et atolls dispersés sur une surface océanique de 2,5 millions de km². La Polynésie française est administrativement divisée en cinq archipels avec au nord-est l’archipel des Marquises, au centre l’archipel des Tuamotu, au sud-est l’archipel des Gambier, au sud-ouest l’archipel des Australes et à l’ouest l’archipel de la Société [fig 1].

Figure 1 : Représentation de la Polynésie française dans l’océan Pacifique

Les conditions pluviométriques du bassin polynésien

La pluviosité sur le bassin polynésien est conditionnée par la présence de 3 grandes structures atmosphériques [fig 2] :
- la zone de convergence intertropicale (ou ZCIT).
- la zone de convergence du Pacifique sud (ou ZCPS).
- les alizés.

La ZCIT est parallèle à l’équateur et est en moyenne localisée au nord de l’équateur. Cependant en mars et avril, on observe une branche plus sud qui affecte la pluviométrie de l’archipel des Marquises.
La ZCPS est située le long d’une ligne Indonésie/Polynésie Française mais sa position et son activité varient en fonction des saisons et du phénomène ENSO.
Les alizés possèdent des caractéristiques variables au cours de l’année. En été austral, l’épaisseur de la couche d’alizés peut dépasser 3 000 m, avec une forte humidité. Elle se réduit à 1 500 m avec un air plus sec en hiver austral.

Figure 2 : Champ de pression et zone de convergence.
Représentation schématique de la ZCPS et de la ZCIT en saison chaude. Source : extrait de l’Atlas climatologique de la Polynésie française, 2019.
Photo 1 : Cumulonimbus au large de Maupiti (archipel de la Société).
Source : P. Varney
Photo 2 : Cumulus congestus sur la côte ouest de Tahiti (archipel de la Société).
Source : V. Laurent


Bien qu’elles diffèrent par leurs mécanismes de formation, leur orientation et leur localisation, ces trois structures partagent un trait commun : le type de temps qui leur est associé. En effet, sous leur influence, l’air est chaud et humide, et le ciel est encombré de nuages de type cumuliforme* (cumulus mediocris, cumulus congestus, cumulonimbus) qui apportent des averses de pluies parfois ponctuées de coups de tonnerre.


* Nuage de type cumuliforme : nuage d’aspect bourgeonnant. Pour en savoir plus sur les différents types de nuages, cliquez ici.


L’influence des alizés

Sur l’ensemble du territoire, l’existence de deux régimes pluviométriques différents est généralement admise, l’un spécifique aux îles hautes, l’autre aux atolls. Ainsi, pour des îles situées à des latitudes voisines, les îles hautes, à cause du relief, sont plus arrosées que les atolls.

La répartition des pluies sur les îles hautes dépend en grande partie des conditions d’exposition aux vents. Le régime prédominant des vents étant celui des alizés, soufflant d’un secteur compris entre l’est-nord-est et le sud-est, c’est sur les versants est, exposés aux alizés ou « au vent » que l’on enregistre une pluviométrie importante. Les versants ouest, non exposés aux alizés ou « sous le vent », connaissent une pluviométrie moindre.

La zone de convergence du Pacifique sud (ZCPS)

La structure moyenne de l’atmosphère et son évolution au cours des saisons montrent que la répartition des quantités de pluies recueillies en Polynésie française coïncide avec la présence active ou non de la ZCPS, notamment sur les régions ouest et centre [fig 2]. De juin à septembre, l’activité de la ZCPS est plus faible et affecte rarement la Polynésie française. De décembre à mars l’activité de la ZCPS est plus intense et intéresse une grande partie des îles à l’est du 150°W.

La communauté scientifique a échafaudé de nombreuses théories pour expliquer la formation et le maintien de la ZCPS, sa position, son orientation, son intensité mais aucune n’est encore aujourd’hui pleinement satisfaisante. Une chose est sûre cependant : la ZCPS est composée de deux parties dont l’orientation et les moteurs sont bien distincts. La branche la plus au nord, dite "zonale", est parallèle à l’équateur et s’explique par un transfert de chaleur de l’océan surchauffé vers l’atmosphère tropicale. La branche qui s’étend au-delà des tropiques est diagonale et ses mécanismes de formation mettent en jeu des interactions entre les masses d’air tropicales et celles issues des latitudes tempérées [fig. 3].


Figure 3 : Climatologie des cumuls de pluie (en mm) en janvier (moyenne sur la période 1981-2010).
Trait jaune : branche zonale de la ZCPS ; trait rouge : branche diagonale de la ZCPS. Source : NCEP, Climate Prediction Center (CAMS_OPI)



Comme nous l’avons vu plus haut, l’activité et la position de la ZCPS dépendent de la saison ; elles dépendent également des phases climatiques ENSO.


Le phénomène ENSO (El Niño Southern Oscillation)


ENSO désigne les modifications de la circulation atmosphérique dans le Pacifique équatorial ainsi que les anomalies de température de l’océan qui y sont associées. On distingue 3 phases ENSO : la phase neutre, la phase El Niño et la phase La Niña.


Figure 4 : Circulations et principales caractéristiques climatiques dans le Pacifique en phase ENSO neutre pendant l’été austral.
Source : illustration adaptée de http://www.bom.gov.au/climate/enso/history/ln-2010-12/three-phases-of-ENSO.shtml

En phase neutre de l’ENSO

Les alizés soufflent d’est en ouest sur l’océan Pacifique tropical. Ils provoquent une remontée d’eau des profondeurs au centre et à l’est de l’océan Pacifique équatorial, ce qui se matérialise par une langue d’eau froide. Ils entraînent également une accumulation d’eau « chaude » à l’ouest du bassin. Dans la bande équatoriale, on observe ainsi un contraste important de températures de surface de la mer entre l’ouest où l’eau est en moyenne très chaude (T>29°C) et l’est du bassin où la mer est beaucoup plus fraîche (T comprises entre 20°C et 26°C en fonction de la saison) [fig. 4]. Cette configuration thermique de l’océan est couplée avec l’atmosphère : sur le plan de l’équateur, on observe une cellule de circulation générale (cellule de Walker), matérialisée par un flux d’est au niveau de la mer, une zone de fortes précipitations au dessus des eaux chaudes à l’ouest (Indonésie, Papouasie, îles Salomon) et une zone de subsidence (l’air se déplace du haut de l’atmosphère vers le sol) caractérisée par des conditions sèches dans l’est du bassin (côtes péruviennes).


Figure 5 : Principales manifestations de la phase El Niño dans le Pacifique pendant l’été austral.
Source : illustration adaptée de http://www.bom.gov.au/climate/enso/history/ln-2010-12/three-phases-of-ENSO.shtml



En phase El Niño

Lors d’une phase El Niño, les alizés s’affaiblissent au niveau de l’équateur si bien que la langue d’eau froide équatoriale, habituellement située à l’est du bassin (voir plus haut les explications sur la phase neutre de l’ENSO), laisse place à des eaux de surface plus chaudes que la normale. El Niño se caractérise ainsi par des températures de surface de la mer plus élevées que la normale (supérieures à +0,5°C) dans le Pacifique central équatorial [fig. 5].

Figure 6 : Principales manifestations de la phase La Niña dans le Pacifique pendant l’été austral.
Source : illustration adaptée de http://www.bom.gov.au/climate/enso/history/ln-2010-12/three-phases-of-ENSO.shtml










En phase La Niña

En phase La Niña, les alizés s’intensifient le long de l’équateur. La remontée d’eau froide sur le bord Est de l’océan Pacifique est alors accrue, tandis que des eaux plus chaudes que la normale sont observées à l’ouest du Pacifique. La Niña se caractérise ainsi par des températures de surface de la mer plus basses que la normale (inférieures à -0,5°C) dans le Pacifique central équatorial [fig. 6].






Pour en savoir plus sur le climat du Pacifique sud-ouest :